Hémato - Thérapeutique
Fiche réalisée selon le plan MGS
Item ECNi 293
Déf : l’agranulocytose médicamenteuse est un accident iatrogénique aboutissant à une absence totale de polynucléaires neutrophiles (en pratique, neutropénie < 0,5 G/L)
Physiopathologie : 2 grands mécanismes
Toxicité médullaire (centrale) : hypo- puis aplasie médullaire par atteinte des progéniteurs, débutant sélectivement par la lignée granulocytaire, aboutissant à une pancytopénie. C’est un effet « attendu » des chimiothérapies cytotoxiques, ou beaucoup plus rarement un accident imprévisible (psychotropes notamment).
Agranulocytose aiguë médicamenteuse (périphérique) : mécanisme immuno-allergique intéressant uniquement la lignée granulocytaire. Nécessite une ‘sensibilisation’ au médicament (prise sur plusieurs jours, ATCD même lointain de prise). Exemple du mécanisme haptène-carrier : des anticorps anti-(médicament + protéine) sur les PNN activent le système du complément, à l’origine d’une lyse aiguë, brutale des granulocytes.
Epidémiologie
- 2,4 % des accidents iatrogéniques
- Les agranulocytoses aiguës ont une incidence de 2-16 cas / million / an, et touchent principalement les femmes adultes
Médicaments en cause dans les agranulocytoses aiguës
- Clozapine
- Défériprone
- Anti-thyroïdiens de synthèse (ATS)
- ATB : carbimazole, dapsone, pénicilline G à fortes doses
- Autres : diprydone, ticlopidine, procaïnamide, rituximab, sulfasalazine
- Dérivés du pyramidon et de la phénylbutazone (historique) : leur retrait du marché a fortement diminué l’incidence des agranulocytoses aiguës
Clinique | Paraclinique |
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Prise médicamenteuse Tableau infectieux brutal, ulcérations muqueuses |
Hémogramme : PNN < 0,5 G/L ± anémie et thrombopénie si toxicité médullaire Myélogramme : précurseurs granuleux uniquement (myéloblastes, promyélocytes) |
A ) Clinique
Anamnèse : asymptomatique ou tableau infectieux brutal (quel que soit le mécanisme)
Examen physique
- Signes infectieux : fièvre, infection localisée ou sepsis parfois résistant au traitement
- Lésions ulcéro-nécrotiques hyperalgiques, creusantes, pouvant intéresser toutes les muqueuses (angine ulcéro-nécrotique ++)
B ) Paraclinique
Hémogramme
- Neutropénie profonde < 0,5 G/L ou agranulocytose vraie < 0,2 G/L
- Toxicité médullaire : leucopénie nette, anémie et thrombopénies constantes en cas de chimiothérapie (pancytopénie ± sévère)
- Agranulocytose aiguë (immuno-allergique) : agranulocytose souvent complète ± lymphopénie, normalité des autre lignées
Myélogramme ± BOM : indispensable devant toute agranulocytose sauf post-chimio
- Lignée granulocytaire : totalement absente ou présente exclusive de précurseurs (myéloblastes et promyélocytes)
- Respect des mégacaryocytes, érythroblastes, lymphocytes et plasmocytes
- La BOM est indispensable en cas de pancytopénie, malgré le risque infectieux
Tests biologiques de confirmation (imputabilité) : aucun test n’est parfait, ni simple, ni utilisé en pratique quotidienne
- Culture prolongée des progéniteurs médullaire avec et sans sérum du patient / médicament
- Recherche d’anticorps anti-granulocytes par immunofluorescence ou techniques immunoenzymatiques
C ) Diagnostic différentiel
Peu de différentiels en pratique dans le cadre d’une agranulocytose acquise et isolée de l’adulte.
Leucémies aiguës et myélodysplasies : précurseurs anormaux au myélogramme
Agranulocytose secondaire à un sepsis sévère : exceptionnel
Neutropénie physiologique du sujet noir (rarement < 0,5 G/L)
Histoire naturelle : la durée de l’agranulocytose au décours d’une chimiothérapie est variable (quelques jours à semaines) selon l’intensité de la chimiothérapie et des facteurs individuels. Les agranulocytoses aiguës disparaissent généralement à 8-10j de l’arrêt du médicament en cause.
Complications : sepsis, choc septique, CIVD
Pronostic : 5 % de décès même si la PEC est précoce et adaptée.
A ) Bilan
Bilan en cas d’agranulocytose médicamenteuse fébrile
- Hospitalisation immédiate !*
- 2 à 3 paires d’hémocultures à 30 minutes d’intervalle
- Radio pulmonaire systématique
- ± Autres prélèvements infectieux orientés par la clinique
* Cette attitude peut être modulée en cas de neutropénie post-chimiothérapie de faible risque (durée < 7), en l'absence de critères de gravité et si une surveillance à domicile est possible.
B ) Traitement
- Mesures générales
Agranulocytoses « attendue » des chimiothérapies : ± prescription de facteurs de croissance hématopoïétiques de type G-CSF (hors AMM)
Agranulocytoses accidentelles
- Déclaration obligatoire en pharmaco-vigilance +++
- Arrêt immédiat et définitif du médicament responsable, délivrance d’un certificat
- En l’absence de restauration spontanée, le traitement sera celui des aplasies médullaires graves (allogreffe de CSH 0)
- PEC d’une agranulocytose médicamenteuse fébrile
Voir aussi item 187 – fièvre chez un patient immunodéprimé
Traitement anti-infectieux IV : sans attendre les résultats du bilan
- Actif contre pseudomonas : β-lactamine ± aminoside si sepsis sévère ± glycopeptide s’il existe un élément le justifiant (infection de la peau / des tissus mous, suspicion de KT infecté, défaillance cardio-respiratoire)
- Fièvre persistante à 48-72h : ajuster aux prélèvements si possible
- Associer un traitement anti-fongique dans les formes prolongées > 7 jours
Autres : pas d’indication à la transfusion de concentrés granulocytaires, intérêt des G-CSF controversé.
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