Urgences – Neuro – Vasculaire
Fiche réalisée selon le plan MGS
Item ECNi 335
Déf : « l’acronyme CADASIL (Cerebral Autosomal Dominant Arteriopathy with Subcortical Infarcts and Leukoencephalopathy) désigne l’une des rares causes identifiées de maladie héréditaire des petites artères cérébrales. »
Epidémiologie
– Révélation classiquement entre 20 et 40 ans (cf. histoire naturelle), exceptionnellement avant 20 ans
– Pas de données d’incidence ou de prévalence, au moins quelques centaines de cas en France
Physiopathologie : la mutation du gène Notch3, localisé sur le bras court du K19, induit une accumulation anormale de la protéine transmembranaire pour laquelle le gène code, au niveau des cellules musculaires lisses de la paroi des vaisseaux cérébraux et extra-cérébraux de petit calibre
Clinique | Paraclinique |
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Transmission autosomique dominante, expression individuelle très variable Migraine avec aura débutant entre 20 et 40 ans (souvent aura atypique), infarctus cérébraux vers 50 ans évoluant vers une démence |
Imagerie : leuco-encéphalopathie (pôle antérieur des lobes temporaux ++) ± infarctus sous-corticaux et microsaignements Confirmation génétique : mutation Notch 3 |
A ) Clinique
- Terrain, transmission
Transmission autosomique dominante, cas sporadiques non-rares.
Expression clinique très variable d’un individu à l’autre, y compris au sein d’une même famille.
- Signes cliniques
Crises de migraine avec aura (20-40%)
– Age moyen d’apparition à 30 ans, généralement le 1er symptôme
– Aura visuelle > sensitive > aphasique > motrice
– Aura atypique (> 50%) : migraine basilaire ou hémiplégique
– Parfois aura sévère avec confusion, troubles de la vigilance, hyperthermie, déficit visuel ou moteur
AVC ischémiques transitoires ou constitués (60-85 % ont ≥ 1 épisode)
– Souvent en l’absence de FdR vasculaires
– Syndromes lacunaires ++ : déficit sensitif ou moteur pur, hémiparésie, ataxie
Troubles cognitifs et démence (démence chez 1/3 des patients symptomatiques)
– Altération des fonctions exécutives, troubles de l’attention ++
– Apathie parfois marquée
– Aggravation progressive ou par à-coups, évolution vers des déficits instrumentaux (aphasie, apraxie) ou une agnosie
Troubles de l’humeur (20%)
– Symptômes dépressifs sévères, mélancolie
– ± Alternant avec des épisodes maniaques, évoquant un tbl bipolaire
Manifestations extra-neurologiques exceptionnelles.
B ) Paraclinique
IRM : séquences T1, T2/FLAIR, T2*
– Hypersignaux de la substance blanche (leuco-encéphalopathie) : l’atteinte du pôle antérieur des lobes temporaux est très évocatrice
– ± Infarctus de type lacunaire (2/3) et micro-saignements (1/3)
Note : ces anomalies peuvent être détectées dès la phase pré-symptomatique, et notamment à partir de 20 ans. Après 35 ans, tous les porteurs du gène muté présentent des anomalies de la SB.
Confirmation génétique (si arguments cliniques et radiologique)
– Recherche de mutations du gène Notch3
– Sur un nombre limité d’exons dans un 1er temps (sensibilité = 98%)
– Extension aux derniers exons du gène (ou séquençage complet 0) si la première recherche est négative et que persistent des arguments forts pour le CADASIL (sensibilité proche de 100%)
Note : la biopsie cutanée a été supplantée par l’analyse génétique de Notch3. Elle reste indiquée dans les très rares cas où persiste un doûte malgré le séquençage des 23 exons de Notch3, ou en cas d’identification d’un variant de signification inconnue et n’impliquant pas un résidu cystéine.
C ) Diagnostic différentiel
Autres causes de céphalées, de déficit neurologique récent…
A) Histoire naturelle
L’histoire naturelle classique commence par des crises de migraine avec aura entre 20 et 40 ans ; suivies par un ou plusieurs épisodes d’ischémie cérébrale 10 ans plus tard.
Les premiers symptômes de troubles cognitifs surviennent généralement après 50-60 ans, ils sont initialement d’allure sous-corticale (par opposition aux troubles d’allure corticale d’une maladie d’Alzheimer), et peuvent évoluer en démence.
Cette chronologie n’est pas toujours respectée (expression individuelle variable), et certains patients ne présentent que peu de symptômes, espacés dans le temps ou à début tardif.
B) Complications
Syndrome démentiel, perte d’autonomie
A ) Bilan
- Bilan initial
Examen clinique neuro-psychiatrique complet, multidisciplinaire
Bilan des comorbidités chez les patients symptomatiques ou non
– Bilan des FdR cardiovasculaires (rarement retrouvés) : glycémie à jeûn, EAL, doppler ou angio-TDM ou angio-IRM des troncs supra-aortiques (recherche de de plaque d’athérome)
– Recherche d’un sd inflammatoire biologique : NFS, CRP
– ± Explorations fonctionnelles en cas de troubles génito-urinaire
L’examen n’est artères rétiniennes n’est pas recommandé de manière systématique.
- Bilan de suivi
Evaluation clinique identique à l’évaluation initiale
Une imagerie cérébrale (TDM ou IRM) est justifiée à chaque fois qu’un déficit neurologique d’allure centrale survient brutalement, pour écarter une hémorragie cérébrale, et éventuellement confirmer l’origine ischémique du déficit. Les données ne permettent pas de fixer la fréquence de réalisation d’une IRM chez les patients CADASIL.
- Conseil génétique
Chez les apparentés asymptomatiques, il faut accompagner la demande diagnostique et réaliser éventuellement un test génétique (consultation spécialisée pluridisciplinaire), après une évaluation neurologique, psychologique et génétique.
Aucun test génétique n’est actuellement réalisé chez les sujets mineurs asymptomatiques.
B ) Traitement
Aucun traitement spécifique n’est connu à ce jour.
> Mesures générales : les objectifs de traitement rejoignent ceux des démences
– Aides médico-sociales, ALD 100 %
– PEC symptomatique, rééducation, réadaptation, PEC psychologique
– Maintenir l’autonomie, compenser les incapacités
> Traitements médicamenteux
Anti-agrégation plaquettaire : non-recommandée en l’absence d’infarctus cérébral
Traitements antimigraineux : si le ttt de fond est nécessaire, les β-bloquants peuvent être utilisés. Le ttt de crise comprend antalgiques + AINS, mais pas de triptans ou autres vasoconstricteurs !
Traitements des troubles de l’humeur (sans particularité)
Autres médicaments utiles
– La paroxétine pourrait améliorer le syndrome pseudo-bulbaire
– La scopolamine (hors AMM) peut améliorer l’hypersalivation de stase
– Les antispastiques (dantrolène, baclofène) sont efficaces sur l’hypertonie pyramidale
– Antalgiques, anti-épileptiques, anti-infectieux, laxatifs… selon les symptômes
Médicaments à éviter ou à utiliser avec prudence (CADASIL symptomatique ou non)
– Traitements hypotenseurs (neuroleptiques…)
– Vasoconstricteurs (triptans, ergot de seigle…)
– Anticoagulants hors indication spécifique
– Thrombolyse IV lors d’un AVC ischémique en l’absence d’occlusion identifiée d’une artère de moyen ou gros calibre (sur-risque hémorragique)
Note : le Donépézil (anticholinesthérasique) n’a pas fait ses preuves dans les troubles cognitifs du CADASIL. Son utilisation n’est pas recommandée.
> Traitements non-médicamenteux
Kinésithérapie débutée dès l’apparition des troubles moteurs, kiné respiratoire si infections respiratoires récidivantes ou alitement prolongé
Orthophonie, rééducation cognitive dès l’apparition d’une dysarthrie, de troubles de la déglutition ou de troubles cognitifs
Ergothérapie : si gêne fonctionnelle retentissant sur l’autonomie, ou pour les aides techniques ponctuelles
Psychomotricité : si troubles cognitifs évolués, action sur la coordination des gestes, les troubles de la communication ou du comportement
PEC diététique et nutritionnelle : adaptations de texture, SNG si troubles de la déglutition sévères, régumes hyperprotidiques et hypercalotiques chez le patient alité
Psychothérapie, PEC médico-sociale (handicap, conséquences professionnelles…)