Neuro - Ophtalmo
Fiche réalisée selon le plan MGS
Item ECNi 96
1) Généralité 1
Déf : La myasthénie (« myasthenia gravis ») est une maladie auto-immune lié à un blocage des récepteurs de la plaque motrice. Le blocage est post-synaptique, par opposition au syndrome myasthénique de Lambert-Eaton.
Physiopathologie : le thymus joue souvent un rôle important dans le développement de l’auto-immunité myasthénique (voir pathologies associées)
Epidémiologie
- Atteint surtout les adultes jeune (60% des < 40 ans), mais possible à tout âge.
- Prédominance féminine avant 30 ans, masculine après 60 ans.
- Prévalence estimée à 50-200 / million 2
"Le diagnostic est souvent difficile et longtemps méconnu" 1
Clinique | Paraclinique |
---|---|
Syndrome myasthénique Réponse aux anticholinestérasiques |
Ac anti-RAC / MuSK Décrément à l’ENMG |
A ) Clinique
Syndrome myasthénique = fatigabilité musculaire : Déficit moteur fluctuant, lié à l'effort (apparaît ou augmente à l’effort, en fin de journée, se corrige au repos).
Le déficit moteur est sélectif, et atteint dans la myasthénie, par ordre de fréquence
- les muscles oculaires et palpébraux ++ (ptosis, diplopie binoculaire 2...)
- les muscles d'innervation bulbaire (voix nasonnée, fausse route, trouble de la mastication, muscles cervicaux...)
- les muscles des membres, axiaux et respiratoires
B ) Paraclinique
"La négativité de ce bilan ne rejette pas le diagnostic" 2
- ENMG (électro-neuro-myogramme)
Retrouve un décrément (diminution du potentiel évoqué musculaire ≥ 10% à la stimulation à 3 Hz), commun à tous les syndromes myasthéniques.
- Auto-anticorps
Anti-RAC (récepteurs de l’acétylcholine)
- Présent dans 80% des myasthénies généralisées, 50% dans les formes oculaires
- Taux très élevé en cas de thymome malin
- Son taux est mal corrélé à la gravité de la maladie (inter-individuelle), mais est un reflet de l’évolutivité chez un même patient
Anti-MuSK (Muscle Spécific Kinase) : présent dans 40% des formes sans Ac anti-RAC
Formes séronégatives (Ac non-détectés par les techniques conventionnelles) : anti-RAC de faible affinité 1, anti-LRP4 2
CAT 2 :
- recherche d'anticorps Anti-RAC en première intention
- si négatif, anti-MuSK 2
- Si nég. et doute persistant / aggravation, répéter la recherche après quelques mois.
- Test thérapeutique aux anticholinestérasiques IV
Méthode
- Test à réaliser en hospitalisation
- Administration de néostigmine (Prostigmine ®) ou d’edrophonium (en ATU) IV
- ± 0,5 mg d’atropine pour limiter le risque de complication
Résultat : positif si régression franche et rapide (< 5 mn pour l’edrophonium, < 30 mn pour la néostigmine) des symptômes, en particulier le ptosis
Complications : syndrome vagotonique, crise cholinergique
Note 2 : les tests aux anticholinestérasiques PO sont informatifs en plusieurs semaines mais sont tout à fait légitimes
C ) Diagnostic différentiel
- Autres causes de syndrome myasthénique
Auto-immun : syndrome myasthénique de Lambert-Eaton (Ac anti-canaux calciques, bloc présynaptique à l’ENMG)
Toxiques et iatrogènes
- Botulisme (bloc présynaptique à l’ENMG)
- Venins de serpent
- Intoxication au Mg
- D-pénicillamine
- Chloroquine, interféron alpha/béta, anti-TNFalpha 2
- Organophosphoré (tentative de suicide) 2
Génétique 2 : rares, 22 gènes identifiés (4 sous-unités du RAC, collagène Q, choline-acétyltransférase...)
- Autres affections non myasthéniques 2
Atteinte des muscles oculaires
- Diplopie : blépharospasme, paralysie faciale périphérique, sd de Claude Bernard Horner, ptosis sénile, méningiome... Importance de l'IRM cérébral !
- Diplopie du sujet jeune : SEP
- Ophtalmopathie basedowienne
Atteinte des autres muscles faciaux et bulbaires
- Syndrome de Guillain-Barré
- Sclérose latérale amyotrophique (décrément possible à l'ENMG !)
- AVC
- Méningite
Fatigabilité musculaire
- Psy / simulation
- Myopathie inflammatoire
- Pathologie mitochondriale
A) Histoire naturelle 2
Evolution chronique et capricieuse, par poussées entrecoupées de rémissions. L'atteinte max est souvent rapide, avant 3 ans d'évolution. On distingue plusieurs formes cliniques.
Maysthénie généralisée : Débute souvent par une atteinte oculaire isolée (ptosis ou diplopie), qui se généralise après 1an d'évolution dans 80-90% des cas.
Myasthénie oculaire (maladie localisée aux muscles occulaires après 2 ans d'évolution) : 15-20% des cas, gravité moindre
Forme avec anti-MuSK 1A : importance des atteintes bulbaires, avec amyotrophie des muscles de la langue. Crises myasthéniques fréquentes et graves ! Pas de pathologie thymique associée.
Forme néonatale 1A
- 10-25% des enfants de mère myasthénique, sans corrélation avec la gravité de la maladie maternelle
- Hypotonie avec troubles de la succion, de la déglutition, de la respiration
- Transitoire, de survenue très précoce (<24h, max 2j) et persistant jusqu’à 3 semaines, rarement jusqu'à 15 semaines
La gravité peut être classée selon le score de la Myasthenia Gravis Foundation of America (MGFA).
B) Complications
Crise myasthénique
- Dyspnée et encombrement d’évolution rapide
- Troubles sévères de la déglutition
- 2/3 de décès malgré la réanimation
Crise cholinergique lors d’un test thérapeutique à la prostigmine ou d’un surdosage en anti-cholinestérasique
- Effets muscariniques : hypersécrétion bronchique, intestinale, salivaire et sudorale
- Effets nicotiniques : fasciculations, crampes
!! Dans les 2 crises, possible détérioration motrice et respiratoire aigüe 2 !!
A ) Bilan 2
- Recherche d'une pathologie associée
Pathologie thymique : Scanner thoracique, à la recherche de
- Hyperplasie thymique, avec prolifération de follicules germinatifs à centre clair (65%) ; rare après 40ans 2
- Thymome bénin ou malin (15%1A à 20%2)
Pathologies auto-immunes (thyroïdienne dans 15% des cas ; autre dans 5% 1A)
- Dysthyroïdies (T4, TSH, anticorps)
- Polyarthrite rhumatoïde (FR)
- Biermer (vitamine B12, ± Ac anti-FI)
- LES (AAN, anti-ADN natifs, anti-ENA)
- Bilan de sévérité
Dépistage des signes de gravité à chaque consultation :
- Trouble respiratoire avec encombrement, toux inefficace
- Fausses routes
- Détérioration motrice rapide
B ) Traitement 1A
- Mesures générales
- ALD 100 %
- Port d’une carte de myasthénie
- Connaissance par le patient et le médecin des traitements contre-indiqués (se référer au VIDAL au moindre doûte, liste non-exhaustive ci-dessous)
CI absolues 2 | CI relatives 2 |
---|---|
Aminosides, macrolides, fluoroquinolones β-bloquants même locaux Curarisants 1A D-pénicillamine Magnésium Polymyxine et cyclines injectables Procaïnamide Quinine, quinidine, chloroquine |
Benzodiazépines Carbamazépine Curarisants 2 : certaines molécules sont utilisables (atracurium) Lithium Phénothiazines et neuroleptiques Progestérone 1A Vérapamil 1A |
- Traitement symptomatique
Anti-cholinestérasiques : pyridostigmine (Mestinon ®) ou ambénonium (Mytelase ®)
- Prises pluri-quotidiennes PO (durée d’action de 4-5h)
- Posologie à augmenter progressivement jusqu’à dose optimale (à adapter selon le patient et son activité physique)
- Efficacité moindre, voire intolérance dans les formes avec anti-MuSK.
- Traitement classique des formes néonatales
IgIV ou échanges plasmatiques « pour passer un cap difficile » (crise myasthénique, poussée évolutive)
- Traitement de fond
Corticothérapie (aggravation transitoire possible la 1ère semaine)
Immunosuppresseurs : azathioprine, mycophénolate-mofétil
Thymectomie : en particulier chez le sujet jeune, en cas de forme généralisée récente ou en cas de thymome (non-indiquée dans les formes avec anti-MuSK)
Le score MGFA est disponible en francais à la fin de la ref HAS (annexe 4) ou en anglais ici
La partie traitement, présenté ici de manière succinte, est très bien détaillée dans le PNDS de l’HAS ! (initiation du traitement, surveillance, etc…)
La diplopie est binoculaire non?
Effectivement ! C’est corrigé, merci !