1) Généralités 2
Déf : l’épidermolyse bulleuse acquise (EBA) est une maladie bulleuses auto-immunes (MBAI) sous-épidermiques/épithéliales
Physiopathologie : secondaire à la production d’auto-anticorps dirigés contre le collagène VII et à leur fixation sur les fibrilles d’ancrage de la zone de la membrane basale des épithéliums malpighiens
Épidémiologie
– affection rare : incidence annuelle = 0.2-0.5/million d’habitant (0.26 en France)
– prédominance féminine (sexe ratio F/M = 1.6)
– africains, indiens de Singapour ++
2) Diagnostic 2
Clinique | Paraclinique |
---|---|
Lésions bulleuses caractéristiques (forme classique) | Histologie Immunofluorescence directe (IFD) |
A ) Clinique
-
Anamnèse
Terrain
– Age moyen : 47- 66 ans (médiane)
– MBAI sous-épidermique/épithéliale la plus fréquente chez l’enfant (après le dermatose à IgA linéaire)
-
Examen physique
Forme classique
– Fragilité cutanée
– Vésicules ou bulles
. flasques ou tendues
. parfois hémorragiques
. non inflammatoires
. guérissent en laissant des cicatrices et des kystes milium
– Topographie
. n’importe quel territoire cutanéo-muqueux (peau, muqueuses buccales, conjonctivales, épiglottiques, œsophagiennes, génitales et anales ; muqueuses respiratoires ayant subi une métaplasie malpighienne (nez, trachée)
. prédominent dans les régions anatomiques sujettes à des traumatismes minimes mais répétés (articulations des doigts et des orteils, dos des mains, talons, face d’extension des coudes et genoux, région sacrée)
Forme à type de pemphigoïde bulleuse (PB)
– Bulles tendues
– Sur peau saine, ou sur des placards érythémateux voire urticariens
– Topographie
. tronc
. grands plis
. tête et cou
. extrémités des membres
Note : association à la maladie de Crohn dans 25% des cas 1
B ) Paraclinique
Histologie
– bulle sous-épidermique
. sans infiltrat inflammatoire dans les formes chroniques,
. avec un infiltrat modéré où prédominent les polynucléaires neutrophiles dans les formes inflammatoires
IFD
– dépôts linéaires sur la jonction dermo-épidermique (JDE) et/ou la jonction chorio-épithéliale (JCE)
. immunoglobulines IgG et C3 ++
. ± association de 2-3 classes d’immunoglobines (IgA, IgG, IgM) du C3
. dépôts d’une seule classe d’Ig (IgG > IgA > IgM) : rare
Immunoblot/ ELISA/ IFI
– Détection d’AC sériques anti-collagène VII sur cellules transfectées (IFIT) ou en IFI sur peau normale comparée à une peau déficiente en collagène VII
Examens immunopathologiques sophistiqués (labo spécialisés) : diagnostic de certitude
C ) Diagnostic différentiel
Maladies bulleuses sous-épidermiques non auto-immunes entraînant une fragilité cutanée
– EBH (épidermolyse bulleuse héréditaire)
– Porphyries
– Pseudo-porphyries
– Toxidermies
– Amyloses bulleuses
Toutes les autres MBAI sous-épidermiques/épithéliales
3) Evolution 2
A) Histoire naturelle
Evolution prolongée et souvent insidieuse
B) Complications
– Cicatrices atrophiques sur la peau
– Cicatrices fibrosantes et sténosantes au niveau des muqueuses
4) PEC 2
Mesures généraux
– Eduquer le patient à éviter tout traumatisme cutané et muqueux
– Eviter si possibles les intubations en cas d’intervention chirurgicale (sinon, se référer à l’ORL qui suit le patient pour les recommandations)
– Proscrire tout geste chirurgical ou de dilatation sur une muqueuses atteinte tant que la maladie n’est pas en rémission
– Encadrer tout geste agressif sur une muqueuse ayant eu une atteinte sévère (œsophage, œil, larynx, urètre) par une augmentation du traitement de fond
– réaliser les soins dentaires autant que possible une fois la maladie en rémission
EBA de sévérité minime ou modérée (si seulement 1-2 sites cutanéo-muqueux sont atteints, sans atteinte laryngée ou œsophagienne ni fibrose conjonctivale de grade > IIC ni atteinte cutanée diffuse)
– Colchicine
. réservée aux formes minimes (1 seul site) très localisées
. traitement d’attaque à la dose de 0.5-2 mg/j (selon la tolérance digestive)
. traitement d’entretien : après obtention de la rémission complète, à dose minimale efficace
– Dapsone
. utilisée dans les formes modérées plus étendues (2 sites)
. traitement d’attaque débutée à la dose de 25-50 mg/j puis dose augmentée progressivement par palier de 25 mg (selon tolérance clinique et biologique) jusqu’à l’obtention de la rémission clinique complète (2mg/kg/j en général)
. traitement d’entretien : doses progressivement diminuées par paliers de 25 mg tous les 3 mois jusqu’à une dose minimale de l’ordre d’ 1mg/kg/j
. + supplémentation en acide folique
– Salazopyrine
. utile comme alternative à la dapsone en cas d’intolérance ou de contre-indication
. peut être utile également en association à la dapsone (en cas d’efficacité insuffisante)
. posologie : 1-4g en 2-4 prises (selon la tolérance digestive et l’efficacité) ; l’objectif est la rémission complète
– Corticoïdes locaux : peuvent soulager le patient et réduire l’inflammation locale
. pendant la phase d’attaque
. bains de bouche aux corticoïdes, pommade sur la peau ou les muqueuses ano-génitales (prendre garde à ne pas aggraver la fragilité cutanée)
EBA de forte sévérité (au moins 3 sites sont atteints et/ou en cas d’atteinte laryngée ou œsophagienne et/ou fibrose conjonctivale de grade > IIC et/ou d’atteinte cutanée diffuse
– Ciclosporine
. en 1ère intention
. dose rapportée : 4 mg/kg
. efficacité très rapide lorsqu’elle est observée : 2-3 semaines
– Rituximab
. administré en cure de 4 perfusions de 350 mg/m2 à 1 semaine d’intervalle si on se réfère à la littérature ou 2 perfusions d’1g à 2 semaines d’intervalle dans l’expérience des auteurs
. action rapide : rémission complète en 4-6 mois (2e cure de consolidation à 6 mois recommandée)
. ne pas proposer ce traitement en cas d’immunodépression trop sévère (les traitements immunosuppresseurs associés doivent être interrompus et la corticothérapie générale diminuée)
– Les perfusions d’IgIV
. à la dose de 2g/kg
. d’abord mensuelles puis progressivement espacées une fois la maladie contrôlée (en 6 mois environ) puis arrêtées
– La photophérèse extracorporelle (PEP)
. utilisée en cas de contre-indications au Rituximab ou aux IgIV
. séances progressivement espacées
– Corticothérapie générale
. réserver aux cas d’urgence (œdème laryngé sur lésions du carrefour)
. débuter un traitement permettant le sevrage dès l’initiation (disulone, salazopyrine, immunosuppresseur, immunomodulateur, …)
En entretien (une fois la rémission obtenue)
– traitement type colchicine, dapsone ou sulfasalazine
– maintenu au long cours pour prévenir les rechutes
EBA de sévérité minime non contrôlée par la colchicine, la dapsone ou la salazopyrine
– En absence de contrôle de la maladie après 3 mois du traitement
– En première intention
. ciclosporine ou le mycophénolate mofétil
– En deuxième intention (en cas de résistance ou d’altération importante de la qualité de vie)
. IgIV, rituximab ou PEC